NDLR: On est le Jour-J. Le 13 septembre 2010. Le jour où Aurélie et son petit frère Mickaël partent pour Tokyo, au Japon. Ils suivent leurs parents qui partent travailler dans une entreprise française installée au Japon.
Le 13 septembre 2010
Dans les airs
Cher journal,
J'ai peur. Je suis actuellement à une altitude de plus de 10 kilomètres et j'aime pas ça du tout. Mon frère rigole en me regardant trembloter bêtement sur mon siège. Ça l'amuse. Il ne doit pas se rendre compte que nous sommes si haut...
Heureusement, le pire est passé: c'est déjà le deuxième décollage de la journée.
Nous sommes partis ce matin de Lyon. Papi et Mamie étaient très tristes. J'avoue que j'ai pleuré... mais je ne suis pas la seule: Mickaël a pleuré aussi. Papi et Mamie ne pouvaient pas nous suivre dans la salle d'embarquement. On a dû se dire au revoir avant. Puis nos parents ont été fouillés et leurs sacs à main aussi. Les autres sacs, ceux avec toutes nos affaires, ont été enregistrés avant.
Puis nous avons enfin embarqué. Nous avons pris le bus pour aller jusqu'à l'avion et nous sommes montés dedans. C'était un tout petit avion... Pas plus de 70 places apparemment, avec seulement une sorte de couloir séparant deux rangées de deux sièges... J'étais près de la fenêtre, à côté de maman. Mickaël était de l'autre côté, près de Papa. Le décollage m'a fait peur, c'était la première fois que je prenais l'avion. J'aime pas me sentir arrachée du sol comme ça.
On a volé pendant une heure à peu près et on est arrivé à Munich où on devait changer d'avion. Il a fallu atterrir et j'ai été très soulagée quand l'avion a touché le sol doucement. En fait, c'est pas si effrayant l'avion... enfin, presque. Après, on est descendu de l'avion et on a pris un nouveau bus pour rejoindre l'aéroport de Munich. Là, nous avons attendu plus de 6 heures notre prochain avion... un gros, cette fois. L'avion qui nous emmènerait jusqu'à Tokyo. On a pu jouer un peu, on a aussi grignoté un morceau en attendant. Les viennoiseries étaient si bonnes !
Et puis il a été l'heure de repartir. 20H55. L'heure de l'avion pour Tokyo. Vu que c'était un gros avion, cette fois, nous n'avons pas eu à prendre le bus: nous sommes passés par une passerelle qui nous a amené directement de la salle d'embarquement à l'intérieur de l'avion. Ce n'était pas la seule différence avec le précédent embarquement... Cette fois, les annonces étaient faites en allemand et en japonais et il y avait de nombreux japonais qui attendaient avec nous de partir...
L'avion dans lequel nous sommes maintenant est beaucoup plus grand. Nous sommes six personnes par rangées, séparées par deux couloirs pour les hôtesses. Nous sommes dans la rangée de quatre personnes au milieu et ça fait que nous n'avons pas de fenêtre... C'est dommage.
De nouveau, il a fallu décoller... Et de nouveau, j'ai eu peur. J'ai fermé les yeux et serré les poings et c'est passé. Nous sommes montés, montés et encore montés, jusqu'à atteindre notre altitude et notre vitesse de croisière. C'est vraiment impressionnant de voir qu'un monstre pareil peut voler.
Et il y a eu la première grosse surprise. Le plateau repas. Avec mon frère, nous avons eu une version enfant avec pleins de couleurs, mais Papa et Maman ont choisi le menu japonais et ils se sont essayés aux baguettes... C'était très marrant !
Maintenant, ben... je m'ennuie un peu... ça fait à peine deux heures qu'on est dans l'avion... Je sais pas comment je vais faire pour tenir plus de dix heures...
*****
Mickaël regarde sa soeur, amusé. Elle vient de s'endormir sur la tablette où elle avait posé son journal pour pouvoir écrire confortablement. Carine, leur maman, la couvre doucement, avant de chuchoter à son fils:
« … Tu n'es pas fatigué toi ? »
Il ne répond pas. Il est bien trop occupé à regarder son petit écran personnel: c'est trop génial, il peut y regarder des films ou jouer à des jeux... Mais ce qu'il préfère, c'est regarder la progression de l'avion sur l'écran. C'est dommage qu'il n'ait pas la place près de la fenêtre. Mais bon, Papa a dit que ça ne servait à rien: c'est la nuit de toute façon. Alors il regarde son petit écran. On y voit la carte du monde et la route que l'avion va suivre pour aller de Munich au Japon. À l'heure qu'il est, ils sont en train de survoler... Comment s'appelle ce pays déjà ?
« Maman... Chuchote le jeune garçon pour ne pas gêner sa soeur. On est où là ?
_On survole la Finlande.
_Oh...
_Et la capitale de la Finlande, c'est... ?
_Heu... »
Mickaël hésite. Il ne se souvient plus très bien. Oslo ? Copenhague ? Il a travaillé la carte de l'Europe en géographie, mais il a déjà oublié. Après tout, il n'y a pas de bon club de foot en Finlande, non ? C'est pas comme à Londres ou à Madrid: toutes ses connaissances en géographie, il les a du football. Il connait tous les drapeaux des pays qui ont participé à la Coupe du Monde en Afrique du Sud, par exemple. Mais la Finlande, elle n'était pas là. Alors, forcément, sa capitale...
« C'est... Insiste sa maman.
_Heu...
_Hel...
_...
_Helsin...
_Helsinki ! S'exclame vivement Victor.
_Doucement ! Lui souffle sa maman. Tu vas réveiller ta soeur. Et gêner les gens.
_Mais il est pas tard, d'abord... Marmonne le jeune garçon.
_Il est 23h30. Répond Carine. Regarde, ils viennent d'éteindre les lumières de l'avion.
_Pff. De toute façon, moi, j'ai pas sommeil. »
Il croise ses bras sur sa poitrine et boude un peu... Il est tenté de réveiller sa soeur, mais il craint la réaction de sa maman. Alors, il ne bouge pas. L'avion continue sa route. Bientôt, ils survoleront le nord de la Russie. Ça s'appelle la Sibérie selon Marc, son papa. Et puis, demain, ils arriveront au Japon, à Tokyo. Il sera 15h là bas.
Il n'a pas trop compris cette histoire de décalage horaire. Apparemment, il sera 15h à Tokyo mais seulement 7h à Lyon*. Il va falloir s'y habituer. Sa maman a dit que ça allait être dur au début et qu'il allait être très fatigué. C'est pour ça qu'il faut qu'il dorme d'ailleurs. Mais il n'en a pas envie: il est bien trop excité !
Il est triste aussi de quitter la France et ses amis. Quand il reviendra, peut-être qu'ils l'auront tous oublié ? Peut-être que personne ne voudra le revoir et qu'on lui dira que c'était mieux sans lui ? Peut-être que...
*****
Ses peurs se sont envolées. Il vient de s'endormir profondément et est couvert à son tour par sa maman qui lui sourit tendrement... Demain, une autre vie commencera pour eux tous. Parce que même si elle est une maman et qu'elle doit faire comme si tout allait bien, elle a un peu peur de ce qui l'attend de l'autre côté du monde, elle aussi.
* Note de Carine, la maman:
Il y a 7h de décalage horaire entre Lyon et Tokyo quand la France est en horaire d'été. Cela signifie que quand il est 15h au Japon il est 8h en France. Cet écart change en hiver, quand la France change d'heure: l'écart passe alors à 8h, car le Japon ne change pas d'heure. Aussi, cette année, depuis le 24 octobre 2010, quand il est 15h au Japon, il est 7h en France.
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